samedi 20 novembre 2010

Cuisine : santé ou plaisir ?


C’est le chef 3 étoiles d’Eugénie Les Bains, Michel Guerad, qui a ouvert les 6èmes rencontres François Rabelais à Tours ce 19 novembre 2010, organisées par IEHCA. Inventaire d’une cuisine minceur particulièrement savoureuse dès les années 1974, c’est l’invité d’honneur idéal pour ce forum alimentaire placé sous le thème de « Cuisine : santé ou plaisir, faut-il choisir ?" .

Comme à chaque édition, la première table ronde porte un regard historique sur le thème, animé par Pascal Ory, historien. Pascale Creen, médecin des hôpitaux université de Versailles Saint Quentin en Yvelines nous rappelle qu’en France, la nutrition est d’abord vue sous l’angle du besoin avant le plaisir. Dans une vision judéo-chrétienne, l’aspect santé de la cuisine était incompatible avec toute notion de plaisir ! Cette compatibilité d’une cuisine qui fait du bien au corps et qui donne du plaisir à l’être ne remonte qu’à une trentaine d’année, dont Michel Guerard est l’un des précurseurs. Le chef étoilé nous rappelle qu’il faut concilier l’héritage de la cuisine française et les aspects santé sans passer par des restrictions. Le rôle de l’alimentation, donc de la cuisine, est désormais de donner du goût, du plaisir et préserver la santé. Ces points essentiels seront intégrés dans la version du
PNNS 3 (plan national nutritionnel santé) dont il est un membre actif du groupe de travail avec le ministère de la santé. Le point fort est aussi la création d’une «école de cuisine santé » pour mieux former les cuisiniers, le personnel hospitalier sur ces aspects santé de la cuisine. Michel Guerard pense que le cuisinier de demain doit avoir des connaissances nutritionnelles adaptées à chaque type de convives, en plus du bagage traditionnel de la profession qu’il faut également moderniser : maîtriser la juste utilisation du sel, du sucre et du gras (il s’agit de lutter contre l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, le cancer…), travailler les produits de saison, utiliser la meilleure recette possible pour la mise en goût, cuisiner plus naturaliste, au plus près du produit, maîtriser les justes cuissons (en privilégiant le sous-vide)….

Jean André Charial, chef cuisinier à
l’Oustau de Baumanière, dans les Baux de Provence, qui pratique son art depuis plus de 40 ans, aurait été heureux s’il avait eu cette formation dès le début de sa carrière. Sa vision de la cuisine vers une cuisine santé a changé suite à un voyage en Inde il y a 30 ans. De la cuisine riche en viande et généreuse en gras proposée à la sortie de la guerre pour compenser les carences et privations de l’époque, il s’est centrée sur la qualité du produit. Avant Alain Passard il y a 30 ans, il proposait déjà une cuisine basée sur le végétal. Actuellement, il cultive lui-même les produits bios qu’il sert dans son restaurant, y compris le vin bio. Il est convaincu que la qualité du produit issu d’un vrai terroir a une influence sur sa qualité, son goût et donc sur la santé.

Avec les interventions de Françoise Sabban sur la culture alimentaire chinoise, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, et Sihem Debbadi Missaoui, historienne à l’université de Tunis qui nous parle de la culture alimentaire arabo musulman, nous apprenons que ces deux modèles culinaires ont imbriqué depuis leur origine la notion de santé et de plaisir dans leur cuisine, en incorporant des substances médicinales et en analysant la nature intrinsèque de chaque ingrédient, et de son effet sur le corps. Au moins, dans ces cultures, la gourmandise n’est pas considérée comme un pêché, et le plaisir est permis !

Comme chaque année, les actes du colloque sont disponibles chez l'éditeur
Menu Fretin avec les cahiers de la gastronomie.

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