dimanche 18 octobre 2015

Colloque international « Cheese up your life » : le fromage, patrimoine culturel français et européen, Paris



J’ai passé le jeudi 15 octobre 2015 une belle journée autour du fromage grâce au colloque organisé par le programme « Cheese up your life », coordonné par European Milk Forum, avec des intervenants prestigieux. Ils nous ont partagé leurs derniers résultats de leurs recherches dans les domaines préhistoriques, historiques, géographiques, sociologiques et scientifiques. C’est Mélanie Rofflet-Salque, chercheuse postdoctoral, unité de géochimie organique de l’université de Bristol qui a ouvert le bal. Elle nous a expliqué les premières traces de fabrication du fromage dans l’Europe néolithique. Ainsi, les hommes ont exploité le lait dès la domestication des animaux, à partir du 7ème millénaire avant que les premiers agriculteurs éleveurs ne s’aventurent en Europe. L’exploitation de ce lait se trouvait naturellement dans les paysages propices à l’élevage des bovins et caprins. 
C’est grâce à l’analyse des tessons de poteries qui conservent les traces de lipides qu’elle arrive à la conclusion que les premiers éleveurs européens fabriquaient déjà du fromage il y a 7000 ans. La forme de ces poteries se rapproche de celle utilisée pour nos faisselles modernes. C’est grâce à l’analyse isotopique des traces de graisses animales qu’elle arrive à mener ses travaux de recherches très pointus.  
Marc de Ferrière Le Vayer, Président de LEA et Université François Rabelais à Tours, nous a parlé des facteurs clés de l’invention d’une tradition fromagère du moyen âge à la révolution marchande. Le fromage à l’origine était un moyen de conservation d’un produit fragile le lait. Il était adapté aux contraintes de l’élevage en termes de saisonnalité et d’éloignement du lieu de production. Il était jusqu’au XIX siècle un moyen idéal de faire payer les taxes lorsque l’aristocratie et les abbayes mettaient en fermage leurs terres. Les fromages dès leur début étaient promus par ces élites, avec une production très régionalisée et locale. Ce sont les révolutions agricole (pairies, sélection des espèces) et industrielles (chemin de fer, chimie) qui sortent les fromages de son terroir et les passent vers une industrialisation de la production. La révolution de l’emballage (boite en bois, papier d’emballage avec paraffine) finit de démocratiser le fromage dans le monde avec des têtes de pont comme le camembert, le livarot, le roquefort et le pont l’évêque.  
Jean Robert Pitte, président de la mission française du patrimoine et des cultures alimentaires nous a parlé de la géographie des fromages, expression de la diversité des terroirs et héritage de l’histoire économique. Il nous a présenté une belle carte de France avec les productions fromagères. Il nous rappelle qu’il n’y a que 10% de fromages qui sont fabriqués au lait cru avec une identité géographique. Les 46 fromages AOP présentent des saveurs plus gastronomiques, plus complexes. Ces fromages de tradition ancienne remontent tous généralement au moyen âge, et la texture de leur pâte (molle, persillée, dure) est liée aux conditions de production et de transport d’une autre époque, à leur géographie fossile. Cette géographie des fromages dépend de trois facteurs. Le sol, le climat qui conditionne l’animal à élever / la taille des troupeaux / l’accessibilité au marché. Dans la carte de France, on constate qu’il n’y a pas de production de fromage dans le massif armoricain. La raison ? Pour des faits culturels, c’est le beurre qui est mis en valeur ! 
Suit ensuite une présentation passionnante par Edmund T. Rolls, professeurs des neurosciences Computationnelles d’Oxford. Grâce à la neuroscience des aliments, il nous explique comment le goût, l’odeur, la texture, nos perceptions visuelles ainsi que les facteurs cognitifs génèrent la notion de récompense (et donc de plaisir) en matière d’alimentation. Un bel outil aux industriels pour créer des produits qui capte le consommateur. L’après-midi, deux tables rondes sont consacrées aux évolutions des goûts et des comportements alimentaires, ainsi que les offres innovantes des fromages en Europe. Une chose est sûre, le secteur des fromages et des produits laitiers se portent bien. Les fromages répondent bien aux nouveaux modes et usages de consommation, avec la tendance snacking, la recherche d’un produit naturel, l’essor de la restauration rapide, le e-commerce. Les deux tables rondes ont abordé le thème de l’innovation. Ainsi, l’innovation industrielle ne passe pas nécessairement par la création de nouveaux produits, mais par la mise en valeur déjà de ceux existants !
 A l’heure du déjeuner, un cheese show live et un cocktail étaient proposée. J’ai été impressionné par le magnifique buffet de fromage signé Claire Griffon, fromagère et affineuse à Paris.
Ce colloque sera organisé aussi au Danemark, en Irlande et au Royaume Uni.
Pour plus d’informations, cliquez ici.

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