dimanche 16 octobre 2016

La cheffe, roman d’une cuisinière de Marie Ndiaye



C’est l’un des romans les plus intéressants de cette rentrée littéraire. « La cheffe, roman d’une cuisinière » de Marie Ndiaye aux éditions Gallimard, raconte le parcours d’une femme issue d’un milieu agricole, qui grâce à sa détermination et son amour de la cuisine, réussit en tant qu’autodidacte à faire carrière dans la cuisine de haut niveau, jusqu’à en obtenir les étoiles puis les perdre ! C’est à travers le regard d’anonyme de son commis, à la fois son plus grand admirateur mais aussi son prétendant, que nous découvrons son parcours exceptionnel ! Un tel parcours est-il possible dans la vraie vie ? Cette « cheffe » dont on ne connaîtra jamais son prénom, commençait comme bonne de service dans une maison bourgeoise chez les Clapeau du côté de Marmande. Elle débutait sans le savoir son éducation gastronomique auprès de la cuisinière de la maison en l’observant préparer les mets salés et les desserts. Elle avait eu cette chance que ses patrons autorisaient son personnel à se régaler des mêmes plats qu’eux, ce qui lui avait permis de forger son palais et lui avait révélait son aptitude naturel à améliorer, rectifier, sublimer chacun des plats servis. Ces mêmes patrons qui lui donnèrent sa chance comme cuisinière au départ de l’ancienne cuisinière. Ses premiers admirateurs étaient donc ses patrons et ses convives, avant de faire ses classes dans divers restaurants, jusqu’à l’ouverture de son propre restaurant « La bonne heure » à Bordeaux avec toujours comme ange gardien ses anciens patrons comme investisseurs ! Serez-vous séduit par son « agneau en habit vert ? » ou, sur ses autres recettes :« Il y avait le petit salé et son saucisson à cuire accompagnés de quelques très fines feuilles de chou blanc, le filet mignon pané et grillé sur lequel fondait ensuite du beurre d’anchois, il y avait les rognons de toutes les bêtes, systématiquement sautés dans le beurre et recouverts de sauce madère, le lapin aux échalotes et aux champignons, la langue de bœuf au gratin, les pigeons aux petits pois, il y avait les escalopes de veau à la crème poivrée, le gros boudin aux oignons ou à la viande servi sur des lamelles de pommes compotée, les croquettes de poulets frites, les côtelettes d’agneau à la Villeroy dont Monsieur Clapeau était fou, il les appelait les petites chéries, il les aimait à l’intérieur, il voulait avoir le goût léger du sang. » (p. 50). Mais le milieu de la haute gastronomie a ses codes, et les médias voraces ! Et l’irruption de sa fille bouleversera le scénario huilé. La chute de la cheffe est aussi rapide que son ascension. Marie Ndiaye nous offre de belle scène de préparations de repas qui nous fait saliver. Le premier repas confectionné par la famille bourgeoise est décrite sur une dizaine de pages ! Toute la pensée, toute la personnalité, toute la psychologie de la cheffe sont passées au tamis. L’auteur nous offre un opus somptueux de portait de femme dans ce roman avec un style littéraire singulier. Ce livre se déguste aussi page après page.

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