jeudi 19 avril 2018

« Festins imaginaires » au musée international d’art modeste de Sètes


L’exposition « Evasions l’art sans la liberté » au musée international d’art modeste de Sètes jusqu’au 23 septembre 2018 met en avant ce qu’on nomme communément « l’art carcéral ». Cette exposition rassemble plus largement, et pour la première fois, des œuvres et travaux plastiques produits dans des espaces de privation de liberté : prisons, mais aussi camps et lieux d’accueil d’exilés, jusqu’aux camps de concentration. Le parcours de l’exposition met en lumière des « Festins imaginaires » d’Anne Georget. 
Des carnets de recettes de cuisine imaginaires rédigés au cœur du monde concentrationnaire, à la fois expression d’une résistance, d’une évasion symbolique par des êtres affamés. Les témoignages de documents inouïs avaient donné lieu à un film signé d’Anne Georget. Dans l’exposition à Sètes, vous retrouverez les mêmes témoignages forts des écrits des prisonniers du camp de Ravensbrück en Allemagne au Goulag de Potma en Russie en passant par le camp de Kawasaki au Japon ! Ci-après le texte de présentation de l’exposition sur ces Festins imaginaires.

« Dans les camps de concentration nazis, dans les camps de travail soviétiques ou chinois, dans les camps de prisonniers civils et militaires japonais, des déportés ont écrit des recettes de cuisine. Des centaines, des milliers de recettes, réunies dans de petits carnets. Une littérature d’apparence triviale et bien peu héroïque.
Pourtant, ces recettes ont été rédigées par des êtres affamés que les systèmes concentrationnaires entendaient réduire à l’état de sous-hommes, prêts à s’entretuer pour un morceau de pain.
La plupart de ces carnets sont cachés dans les familles depuis des décennies. Ils sont exceptionnels : rares sont les documents produits dans le quotidien de la captivité et de l’anéantissement. Ils enfreignent les représentations de la déportation.
De ces recettes aux titres parfois mystérieux − « Cake milky way », « Marrons St Hubert », « Gesundheit Kuchen »… − émerge une dimension proprement universelle. Souvenirs ? Nourritures ? Rêves ? Testaments ? Evasions ?
Des déportés de toutes origines - femmes, hommes, jeunes, vieux, Français, Russes, Américains... - ont pris d’énormes risques pour écrire cela : volant du papier, rédigeant en cachette, conservant précieusement ces feuillets au cours d’un voyage intérieur inouï.
Conçues dans un univers déshumanisé entre tous, ces recettes semblent avoir été, pour ceux qui les ont écrites, un moyen vital de résister à la destruction, de fabriquer du sens au milieu du chaos, de convoquer l’humanité.
Une écriture constituant, à la lettre, une nourriture pour la chair et aussi pour l’âme, qui fait entendre les voix des déportés au bord de l’abîme et dans ce paroxysme celles de notre genre humain.
A côté de ces carnets dont le matériau-même raconte les conditions de leur création (plaques de métal au camp usine de Flöha, tissu arraché à la paillasse au camp de femmes de Hasag-Leipzig, tissu au goulag de Potma…), les photos de leurs auteurs, les dessins réalisés dans les camps ainsi que les Festins imaginaires permettent de dépasser leur simple contemplation fascinée. »


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