La 7ème rencontre François Rabelais, organisée par l’IEHCA (institut européen d’histoire et des cultures alimentaires) sur le thème des « Transmissions » s’est achevé hier soir à Tours. Le thème a été largement débattu, disséqué à travers 7 tables rondes. Quelles sont les grandes lignes à retenir ?
Dans l’histoire, comme l’a fait remarquer Pascal Ory (professeur des universités d’histoire contemporaine de Paris 1 Panthéon- Sorbonne), à partir du moment où le manger et le boire étaient assurés dans une société, nait naturellement un désir de transmission de ces savoirs faire. Cette transmission se fait par le geste, la répétition, la transmission orale. Pour les métiers de bouche, c’est à partir du XIIIème siècle que se mettent en place les prémices d’une formation professionnelle à travers les fonctions d’apprenti, de valet, de compagnon de maître. Les règlements des métiers, consignés par écrit à partir de 1268 nous permettent à ce jour de suivre l’évolution des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être. La formation est sanctionnée par la réalisation d’un chef d’œuvre. Patrick Rambourg, historien de l’alimentation nous rappelle comme notre système de formation des apprentis se rapproche encore de ce modèle, ainsi que le titre du « meilleur ouvrier de France ».
La transmission se fait également par les traités culinaires qui apparaissent à partir de 1480, mais elle ne concerne que la grande cuisine aristocratie avec un langage professionnel. Le plus célèbre corpus est « Le viandier » de Taillevent. Pour le commun des mortels, le premier traité de domesticité apparait au XIVème siècle avec « Le ménagier de Paris ». Ce livre est écrit par un bourgeois parisien à l’attention de sa jeune épouse pour lui apprendre la façon de tenir sa maison et faire la cuisine.
Quelque soit les époques, il ne peut y avoir transmission que lorsqu’il y a un désir d’engagement de l’apprenant. On ne peut imposer une vocation. Il ne s’agit pas d’une relation passive entre le maître et l’élève, il s’agit d’un échange interactif. Le maître peut aussi apprendre de l’élève ! Au-delà des savoirs techniques se transmettent surtout des valeurs. La transmission, ce n’est pas non plus graver dans le marbre les techniques et les savoirs du passé, c’est aussi les adapter au temps, à son temps.
Une des tables rondes qui m’a le plus passionné est la transmission culinaire de mère en fille. En effet, dans les pays riches où les femmes sont passées des cuisines aux bureaux, il y a eu rupture de la transmission d’un savoir faire. Sur le plateau, nous avons eu 4 femmes : Fatema Hal (restauratrice et anthropologue de la cuisine marocaine), Marie Rouanet (auteure à découvrir rapidement), Anne Laure Vincent (co-fondatrice de marmiton.org) et Dominique Loiseau, restauratrice à Saulieu et marraine de cette édition. Si elles avaient toutes refusé d’emblée la transmission culinaire de leur mère, formation basique de toute femme appelée à être une épouse modèle par sa science culinaire, elles en sont revenues plus tard « aux fourneaux » après avoir acquis une position professionnelle et ressentir du plaisir à faire la cuisine. Quelle est leur attitude envers leurs propres enfants ou petits enfants ? Toutes sont unanimes, surtout ne rien imposer, leur laisser le libre choix tout en les accompagnants à leur éveil gustatif et culinaire !
Les actes de ces rencontres seront visibles en version vidéo sur le site de l’IEHCA.
Toujours sur le thème de la transmission, le livre « Le goût transmis » aux éditions Rouergue nous présente l’exemple des grandes familles comme les Bras, les Bernachons, les Pourcels… qui sont su transmettre de génération en génération le goût familial en héritage. Un livre passionnant de ceux et celles qui incarnent l’excellence de la gastronomie française à découvrir !
Merci beaucoup pour ce compte-rendu qui rapporte fortement bien la Rencontre de ces discours variés.
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