Comme chaque année, notre séminaire des Rencontres de l’honnête Volupté s’achève par un banquet de tous les membres de l’association et des intervenants du séminaire de l’année. Le thème du banquet cette année est celui du « Camp du drap d’or ». Il remémore les fastes et les raffinements de bouche déployés à la fois par le roi de France, François 1er et le roi d’Angleterre, Henri VIII, révèle les diplomaties des deux cours rivales qui se rencontrent en juin 1520 dans les Flandres, chacun cherchant à impressionner l’autre.
Le but de François 1er était de signer un traité avec Henri VIII pour déjouer les intrigues de Charles Quint. La série télévisée épisodes 101 et 102 «The Tudors » décrit merveilleusement cette rencontre. Encore cette année, c’est la présidente de l’association Anik Buj qui coordonne ce banquet, avec des recettes proposées par l’historienne Michèle Barrière, et la spécialiste en conseil et image de l’alimentation, Anne Claire Si Fodil. Toutes les deux ont fait un travail remarquable de recherche et de travail historique sur les recettes dégustées lors de ce Camp du drap d’or. Ces recettes nous avaient été communiquées, et chaque membre de l’association est invité à cuisiner au moins une recette pour le banquet. Pour ma part, j’ai choisi une recette anglaise, le « Pastés de Paris », extrait du livre d’Austin Thomas, « Two fifteenth century cookery books », Londres d'après deux manuscrits rédigés en 1430 et 1440, recopiés en 1450...Voici la recette traduite :
Prenez de belles cuisses de porc et de veau et mettez-les ensemble dans un pot. Et couvrez-les de bouillon et de vin et faites bouillir jusqu'à ce que la viande ait assez bouilli. Retirez du feu et laissez refroidir un peu. Et mêlez dedans des jaunes d'oeufs crus, du gingembre en poudre, du sucre, du sel et des dattes hachées et des raisins secs. Et préparez des rondelles de pâte, mettez dessus la viande et couvrez de pâte et faites cuire le temps qu'il faut.
Pour les cuisiniers actuels habitués aux recettes avec des grammages très précis, élaborer une recette du passé est toujours un plaisir et un défi. Ma recette se rapproche-t-elle de l’original ? Voici mon interprétation du Pastés de Paris pour 8 à 10 personnes, avec un moule de 22 cm de diamètre.
J’ai mis dans une cocotte 1kg de cuisse de veau, 500g de cuisse de porc coupés en gros morceaux, quelques feuilles de laurier, 50g de gingembre frais en lamelle (pour apporter plus de saveurs), 0,5 litre de fond de veau (ma version du bouillon), puis j’ai mouillé l’ensemble avec du muscadet à hauteur. Après ébullition et chuchotement de la soupape de la cocotte, je réduis le feu et laisse cuire 30 minutes. J’ai fait cette préparation la veille pour laisser aux viandes le temps de s’imprégner de tous les arômes. La veille aussi, je fais macérer 100g de raisins secs dans le muscat.
Pour la préparation de la pâte pour chemiser le moule. J’ai sablé ensemble 250g de farine, 125g de beurre, avec 5g de sel, 5 g de sucre et 30g de poudre de gingembre. Puis, j’ai ajouté 3 jaunes d’œufs et la moitié d’un pot de yaourt nature, soit 60g. Je fraise l’ensemble jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène.
Pendant que ma pâte se repose au moins pendant une heure, je décante les morceaux de veau et de porc, que je coupe en dès. Je coupe aussi en dès 100g de dattes, puis je les mélange avec les raisins secs gonflés au muscat. Je récupère 20 cl de mon jus de cuisson des viandes. Je l’épaissis avec 1 cuillère à soupe de fécule de maïs. Dès l’ébullition, la sauce s’épaissis. Je coupe le feu, rajoute les morceaux de viandes froides. Je commence par mélanger la viande avec la sauce, puis je rajoute deux jaunes d’œufs pour achever la liaison. Rectifier l’assaissonnement.
Je reprends ma pâte, la divise en deux boules 2/3 et 1/3. J’étale la première boule 2/3 pour chemiser le moule. Petite astuce, j’ai gardé les blancs d’œufs de la pâte. Je badigeonne avec un pinceau le fond de la pâte avec le blanc d’œuf pour créer un « vernis imperméable » entre la pâte et la sauce de la farce. Puis, je le fond de pâte remplis avec la farce. Prenez soin aussi de bien tasser la farce pour avoir une surface plane.
J’étale ensuite la deuxième boule de pâte pour obtenir un cercle aux dimensions du moule pour couvrir le Pastés. Je creuse un petit trou en son centre pour servir de cheminé lors de la cuisson.
Pour le montage final du Pastés, je rabats les bords de la première pâte vers l’intérieur. Je badigeonne les bords avec de l’œuf battu, puis je dépose dessus le cercle de pâte pour fermer le pastés. Je n’ai pu résister de décorer mon Pastés de Paris avec des fleurs de lys ! Je badigeonne le dessus avec de l’œuf battu avant de le faire cuire au four en deux temps. 30 minutes à 180°C, puis 45 minutes à 160°C.
Sur le plan gustatif, mon interprétation du Pastés de Paris donne un sucré salé parfumé au gingembre, très agréable en bouche. La saveur du vin est toujours présente mais subtile. Les morceaux de viandes prélevées dans la cuisse sont un peu secs. Il manque du moelleux apporté par le gras et des parties plus gélatineuse des viandes. Le fait d’avoir gardé une sauce liée dans la farce amène malgré tout une sensation de moelleux dans les morceaux de viande. Mes premiers dégustateurs me réclament déjà un deuxième Pastés de Paris ! En ces temps là, l’usage des épices comme le gingembre en poudre, l’usage des dattes qui viennent aussi de pays lointain est un signe de distinction sociale.
Je pense que cette recette sera encore plus délicieuse avec une pâte feuilletée et en portion individuelle. Mais la pâte feuilletée n’était pas encore née au moment de cette rencontre du « Camp du drap d’or » !
Si la recette est fort appétissante, sachez que sa dégustation était extraordinaire. félicitations à William pour cette réalisation.
RépondreSupprimerAnik Buj