Appelé pâté en croûte à Paris, ou pâté croûte à
Lyon, ce monument de la gastronomie de la cuisine française retrouve peu à peu
ses lettres de noblesse sur nos tables, surtout au moment des fêtes. Preuve de
cette renaissance, un championnat
du monde de pâté croûte existe depuis 7 ans. Pour cette année, la finale
aura lieu ce lundi 30 novembre 2015 à la maison M. Chapoutier, à Tain l’Hermitage.
Ces pâtés-croûtes sont de véritables chefs d’œuvre, composés d’un assortiment
de viandes, cuit recouvert dans une pâte
feuilleté ou dans une pâte brisée. Ils étaient déjà présents dès le moyen-âge
sur les tables seigneuriales. Parmi toutes les recettes de pâté en croûte,
celle de « l’oreiller
de la belle Aurore » me touche
le plus, à la fois par la saveur de son histoire, par la complexité et la
richesse de ses saveurs et de ses textures. La bonne nouvelle, c’est que durant
la période des fêtes de fin d’année, vous pourrez le retrouver chez les
charcutiers parisien Gilles Vérot
et lyonnais Georges Reynon. Il s’agit d’un pâté en croûte froide, garnie
d’une multitude de gibiers, de viandes, de forme carré, dont la taille ressemble
à celle de votre oreiller que Brillat-Savarin, auteur de la « Physiologie
du goût » avait confectionné en l’honneur de sa mère, Claudine Aurore
Récamier. Sa confection avait été
relatée par Lucien Tendret, gendre de Brillat-Savarin, dans son livre de
recettes intitulé «La table au pays de Brillat Savarin», et publié en
1882 ! La farce était composée de noix de veau, de perdreau rouge, de poulet,
de canard, de râble de lièvre, de ris de veau, de filet de porc. Les viandes
étaient marinées toute une nuit avant d’être montée dans la pâte feuilletée en
couche alternée, enrichie encore d’une farce de foies blonds, de truffe, de
jambon, de pistaches. Voici ce que dit encore Lucien Tendret au moment de sa
découpe : « Lorsqu’on coupe
l’oreiller de la belle Aurore, le parfum des truffes noires, mêlé au fumet des
viandes, embaume la salle à manger. Les tranches tombant sous le couteau
présentent l’aspect d’une mosaïque de couleurs vives et variées et sont
imprégnées des sucs d’une gelée vineuse couleur d’or. La croûte, toute pénétrée
d’un mélange onctueux de beurre frais et de foies de volailles, est tendre sous
la dent et fondante dans la bouche. ». Rares donc sont les charcutiers
qui osent s’affronter à cette recette. Le charcutier
parisien Gilles Vérot avait présenté en grande pompe sa version de « l’oreiller de la
belle Aurore » au théâtre
Edouard VII à Paris début novembre 2015. Son oreiller se compose de cinq
gibiers (grouse, faisan, canard sauvage, biche, chevreuil) enrichi de porc fermier, de volaille de
Bresse, de canard gras, de ris de veau, de foie gras, de truffe, cuit dans une
pâte brisée. Le charcutier
lyonnais Georges Reynon utilise lui plus de douze gibiers différents en
plus des ris de veau, de volaille de Bresse et des truffes noirs. Son oreiller est un vrai carré de 60 cm de côté alors
que celui de Gilles Vérot est rectangle. Mais à la découpe, les deux versions
présentent une mosaïque parfaite de viandes aux couleurs vives. Pourquoi cette
appellation d’oreiller pour ce pâté en croûte ? Il semblerait qu’il s’agit
d’une déclaration d’amour de l’auteur à sa mère, dont il était tombé amoureux !
Et dont il ne dédaigne pas partager un coin d’oreiller !
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