mercredi 12 mars 2008

Le camembert au lait cru vivra !


Les petits producteurs de camembert AOC de Normandie ont remporté la bataille face aux industriels de l’agro-alimentaire. Le camembert de Normandie devra toujours être fabriqué à base de lait cru.

Tout commence en mars 2007, quand les grandes marques Lactalis et Isigny Sainte Mère annoncent l’abandon momentané de l’appellation d’origine contrôlée pour leurs produits, comme Lepetit ou Lanquetot. Ils demandent en parallèle à l’INAO (institut national de l’origine et de la qualité) la suppression de l’utilisation du lait cru dans la fabrication du fromage pour des raisons d’hygiène. Cette décision a suscité l’inquiétude des petits fabricants. Ceux-ci ont accusé les deux industriels de vouloir modifier le décret de l’AOC.

Le principe de l'AOC est fondé non pas seulement sur l'aire géographique, mais aussi sur la recette traditionnelle. Jusque-là, le lait cru était précisément mis en avant pour distinguer les camemberts au lait cru des produits pasteurisés, moins jaunes, mois coulants, moins moelleux. Et moins goûteux.

Depuis 217 ans, le camembert de Normandie est fabriqué à base de lait cru, c’est à dire de lait qui n’a pas été chauffé à plus de 40°C (donc non pasteurisé) et qui n’a reçu aucun traitement.
Par cette offensive, Lactalis et Isigny (Lepetit, Lanquetot en grande surface, et d'autres marques dans les crémeries), qui représentent plus de 80 % des volumes vendus, souhaitent que l'utilisation du lait cru ne soit plus une obligation, préférant introduire le principe du lait "thermisé" (chauffé à plus de 37 degrés) ou "microfiltré" (tamisé), dont la production a un coût bien inférieur à celle du lait cru, qui implique quantité de contrôles.

La listeria (germe pathogène pour l'homme) a été identifiée chez le fabricant Lepetit en 1999, et, surtout, Escherichia coli 026, chez Réaux, fin 2005. Une épée de Damoclès difficilement supportable, économiquement, par les industriels. Lactalis et Isigny exercent donc une pression, qui s'est accrue ces dernières semaines, pour que l'INAO modifie le cahier des charges. Ils menacent même de quitter l'AOC provisoirement, en attendant.
Le camembert au lait cru est plus sensible aux germes pathogènes, et sa maturation plus risquée. Les pâtes molles à croûte fleurie nécessitent un suivi très rigoureux. Les germes pathogènes, lorsqu'ils sont présents, ne seront pas éliminés au cours des différentes étapes de la fabrication... comme ils peuvent l'être pour les autres fromages AOC au lait cru, tels le beaufort, dont la pâte est cuite, ou le reblochon, à la pâte pressée.

Pour les petits producteurs du camembert, cette décision est satisfaisante. Le camembert au lait cru n’est pas la plus importante des AOC, mais c’est un emblème de la gastronomie nationale. Fabriquer le camembert au lait cru, c’est rester en lien avec le terroir, c’est défendre un savoir faire et toute une région.

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