mercredi 1 juin 2016

Canard laqué, canard au sang dans Libération



C’est un plaisir de vous partager cette excellente critique de Jacky Durand sur mon livre « Canard laqué, canard au sang, dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française » aux éditions de l’Epure, paru dans Libération le 27 mai 2016. Un grand merci à monsieur Durand.

France-Chine, dans l’assiette du voisin. Par Jacky Durand 27 mai 2016 à 17:51

Vous savez comme c’est, la bectance : à la première bouchée dans notre assiette de blanquette, on a déjà envie d’aller voir ce qui se passe dans l’auge de notre voisin(e) qui en pince pour la raie à la grenobloise (noix, câpres, beurre noisette, croûtons).La curiosité du mangeur est aussi insatiable que sa gourmandise. Et ce qui se passe sur une banquette en moleskine de bistrot vaut aussi à l’échelle de la planète, où n’importe quel frichti peut faire le tour du Net en moins de temps qu’il n’en faut pour cuire un œuf à la coque.
La cuisine est devenue un chassé-croisé, un brassage mondial où le Bourguignon se régale de dim sum tandis que le Cantonnais se délecte d’œufs en meurette. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits direz-vous ? Pas si sûr, car en matière de boire et de manger, on savoure la nouveauté à l’aune de nos propres cultures et mémoires gustatives, la cuisine des autres, qu’ils soient à 100 ou à 10 000 kilomètres, étant un miroir de nos goûts.
C’est le magistral et savoureux constat que l’on retire de la lecture de Canard laqué, canard au sang, dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française de William Chan Tat Chuen. Voilà un homme né à Madagascar, où son père originaire de Canton était pâtissier, passé par l’école hôtelière de Thonon-les-Bains et par les fourneaux chinois avant d’étudier l’anthropologie alimentaire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess) auprès de Jean-Louis Flandrin, grand historien de l’alimentation. Avec un tel pedigree, on se dit que William Chan Tat Chuen n’a pas trop de ses deux mains pour écrire et cuisiner, mais son livre révèle surtout l’originalité et l’acuité de son regard sur les nourritures française et chinoise. A travers 70 recettes d’ici et de là-bas, choisies en tandem, il fait résonner nos papilles pour nous faire raisonner sur nos pratiques alimentaires. Voici donc la crêpe de Pékin dont les ingrédients de base (farine, œuf, huile, sel) sont les mêmes que pour notre crêpe jambon fromage. Les similitudes vont encore plus loin : même gestuelle et même matériel (le billig) pour les crêpiers chinois et français et dans les deux pays, la crêpe était à l’origine un plat de pauvre (dans la province de Shandong, au nord-est de Pékin et en Bretagne). William Chan Tat Chuen a choisi l’œuf, «ce produit si ménager, pour personnifier l’univers de ces deux boissons» emblématiques de la Chine et de la France que sont le thé et le vin. On se régalera donc de l’œuf marbré au thé et des œufs meurette, deux recettes qui ne demandent pas d’être cordon-bleu ou de parler le mandarin. Car c’est un autre mérite de William Chan Tat Chuen que de proposer des plats accessibles à travers ses «dialogues culturels culinaires» franco-chinois.
Canard laqué, canard au sang, dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française de William Chan Tat Chuen Editions de l’Epure, 188 pp., 20 €.

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