L’exposition « Evasions l’art sans
la liberté » au musée
international d’art modeste de Sètes jusqu’au 23 septembre 2018 met en
avant ce qu’on nomme communément « l’art carcéral ». Cette exposition
rassemble plus largement, et pour la première fois, des œuvres et travaux
plastiques produits dans des espaces de privation de liberté : prisons,
mais aussi camps et lieux d’accueil d’exilés, jusqu’aux camps de concentration.
Le parcours de l’exposition met en lumière des « Festins imaginaires » d’Anne Georget.
Des carnets de recettes de
cuisine imaginaires rédigés au cœur du monde concentrationnaire, à la fois
expression d’une résistance, d’une évasion symbolique par des êtres affamés. Les
témoignages de documents inouïs avaient donné lieu à un film
signé d’Anne Georget. Dans l’exposition à Sètes, vous retrouverez les mêmes
témoignages forts des écrits des prisonniers du camp de Ravensbrück en
Allemagne au Goulag de Potma en Russie en passant par le camp de Kawasaki au
Japon ! Ci-après le texte de présentation de l’exposition sur ces Festins
imaginaires.
« Dans les camps de concentration nazis, dans
les camps de travail soviétiques ou chinois, dans les camps de prisonniers
civils et militaires japonais, des déportés ont écrit des recettes de cuisine.
Des centaines, des milliers de recettes, réunies dans de petits carnets. Une
littérature d’apparence triviale et bien peu héroïque.
Pourtant, ces recettes ont été rédigées par des êtres affamés
que les systèmes concentrationnaires entendaient réduire à l’état de
sous-hommes, prêts à s’entretuer pour un morceau de pain.
La plupart de ces carnets sont cachés dans les familles depuis
des décennies. Ils sont exceptionnels : rares sont les documents produits dans
le quotidien de la captivité et de l’anéantissement. Ils enfreignent les
représentations de la déportation.
De ces recettes aux titres parfois mystérieux − « Cake milky way
», « Marrons St Hubert », « Gesundheit Kuchen »… − émerge une dimension
proprement universelle. Souvenirs ? Nourritures ? Rêves ? Testaments ? Evasions
?
Des déportés de toutes origines - femmes, hommes, jeunes, vieux,
Français, Russes, Américains... - ont pris d’énormes risques pour écrire cela :
volant du papier, rédigeant en cachette, conservant précieusement ces feuillets
au cours d’un voyage intérieur inouï.
Conçues dans un univers déshumanisé entre tous, ces recettes
semblent avoir été, pour ceux qui les ont écrites, un moyen vital de résister à
la destruction, de fabriquer du sens au milieu du chaos, de convoquer
l’humanité.
Une écriture constituant, à la lettre, une nourriture pour la
chair et aussi pour l’âme, qui fait entendre les voix des déportés au bord de
l’abîme et dans ce paroxysme celles de notre genre humain.
A côté de ces carnets dont le matériau-même raconte les
conditions de leur création (plaques de métal au camp usine de Flöha, tissu
arraché à la paillasse au camp de femmes de Hasag-Leipzig, tissu au goulag de
Potma…), les photos de leurs auteurs, les dessins réalisés dans les camps ainsi
que les Festins imaginaires permettent
de dépasser leur simple contemplation fascinée. »
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