J’ai passé le jeudi 15 octobre 2015 une belle journée autour
du fromage grâce au colloque organisé par le programme « Cheese up your life », coordonné par European
Milk Forum, avec des intervenants prestigieux. Ils nous ont partagé leurs
derniers résultats de leurs recherches dans les domaines préhistoriques,
historiques, géographiques, sociologiques et scientifiques. C’est Mélanie Rofflet-Salque, chercheuse postdoctoral,
unité de géochimie organique de l’université de Bristol qui a ouvert le bal.
Elle nous a expliqué les premières traces de fabrication du fromage dans
l’Europe néolithique. Ainsi, les hommes ont exploité le lait dès la
domestication des animaux, à partir du 7ème millénaire avant que les
premiers agriculteurs éleveurs ne s’aventurent en Europe. L’exploitation de ce
lait se trouvait naturellement dans les paysages propices à l’élevage des
bovins et caprins.
C’est grâce à l’analyse des tessons de poteries qui
conservent les traces de lipides qu’elle arrive à la conclusion que les
premiers éleveurs européens fabriquaient déjà du fromage il y a 7000 ans. La
forme de ces poteries se rapproche de celle utilisée pour nos faisselles
modernes. C’est grâce à l’analyse isotopique des traces de graisses animales
qu’elle arrive à mener ses travaux de recherches très pointus.
Marc de Ferrière Le Vayer, Président de
LEA et Université François Rabelais à Tours, nous a parlé des facteurs clés de
l’invention d’une tradition fromagère du moyen âge à la révolution marchande.
Le fromage à l’origine était un moyen de conservation d’un produit fragile le
lait. Il était adapté aux contraintes de l’élevage en termes de saisonnalité et
d’éloignement du lieu de production. Il était jusqu’au XIX siècle un moyen idéal
de faire payer les taxes lorsque l’aristocratie et les abbayes mettaient en
fermage leurs terres. Les fromages dès leur début étaient promus par ces
élites, avec une production très régionalisée et locale. Ce sont les révolutions
agricole (pairies, sélection des espèces) et industrielles (chemin de fer,
chimie) qui sortent les fromages de son terroir et les passent vers une
industrialisation de la production. La révolution de l’emballage (boite en
bois, papier d’emballage avec paraffine) finit de démocratiser le fromage dans
le monde avec des têtes de pont comme le camembert, le livarot, le roquefort et
le pont l’évêque.
Jean Robert Pitte,
président de la mission française du patrimoine et des cultures alimentaires
nous a parlé de la géographie des fromages, expression de la diversité des
terroirs et héritage de l’histoire économique. Il nous a présenté une belle
carte de France avec les productions fromagères. Il nous rappelle qu’il n’y a
que 10% de fromages qui sont fabriqués au lait cru avec une identité géographique.
Les 46 fromages AOP présentent des saveurs plus gastronomiques, plus complexes.
Ces fromages de tradition ancienne remontent tous généralement au moyen âge, et
la texture de leur pâte (molle, persillée, dure) est liée aux conditions de
production et de transport d’une autre époque, à leur géographie fossile. Cette
géographie des fromages dépend de trois facteurs. Le sol, le climat qui
conditionne l’animal à élever / la taille des troupeaux / l’accessibilité au
marché. Dans la carte de France, on constate qu’il n’y a pas de production de
fromage dans le massif armoricain. La raison ? Pour des faits culturels,
c’est le beurre qui est mis en valeur !
Suit ensuite une présentation
passionnante par Edmund T. Rolls,
professeurs des neurosciences Computationnelles d’Oxford. Grâce à la
neuroscience des aliments, il nous explique comment le goût, l’odeur, la
texture, nos perceptions visuelles ainsi que les facteurs cognitifs génèrent la
notion de récompense (et donc de plaisir) en matière d’alimentation. Un bel
outil aux industriels pour créer des produits qui capte le consommateur.
L’après-midi, deux tables rondes sont consacrées aux évolutions des goûts et
des comportements alimentaires, ainsi que les offres innovantes des fromages en
Europe. Une chose est sûre, le secteur des fromages et des produits laitiers se
portent bien. Les fromages répondent bien aux nouveaux modes et usages de
consommation, avec la tendance snacking, la recherche d’un produit naturel,
l’essor de la restauration rapide, le e-commerce. Les deux tables rondes ont
abordé le thème de l’innovation. Ainsi, l’innovation industrielle ne passe pas
nécessairement par la création de nouveaux produits, mais par la mise en valeur
déjà de ceux existants !
A l’heure du déjeuner, un cheese show live et un
cocktail étaient proposée. J’ai été impressionné par le magnifique buffet de
fromage signé Claire Griffon,
fromagère et affineuse à Paris.
Ce colloque sera organisé aussi au Danemark, en Irlande
et au Royaume Uni.
Pour plus d’informations, cliquez ici.
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