C’est l’un des romans les plus
intéressants de cette rentrée littéraire. « La cheffe, roman d’une cuisinière » de Marie
Ndiaye aux éditions Gallimard, raconte le parcours d’une femme issue d’un
milieu agricole, qui grâce à sa détermination et son amour de la cuisine,
réussit en tant qu’autodidacte à faire carrière dans la cuisine de haut niveau,
jusqu’à en obtenir les étoiles puis les perdre ! C’est à travers le regard
d’anonyme de son commis, à la fois son plus grand admirateur mais aussi son
prétendant, que nous découvrons son parcours exceptionnel ! Un tel
parcours est-il possible dans la vraie vie ? Cette « cheffe »
dont on ne connaîtra jamais son prénom, commençait comme bonne de service dans
une maison bourgeoise chez les Clapeau du côté de Marmande. Elle débutait sans
le savoir son éducation gastronomique auprès de la cuisinière de la maison en l’observant
préparer les mets salés et les desserts. Elle avait eu cette chance que ses
patrons autorisaient son personnel à se régaler des mêmes plats qu’eux, ce qui
lui avait permis de forger son palais et lui avait révélait son aptitude
naturel à améliorer, rectifier, sublimer chacun des plats servis. Ces mêmes
patrons qui lui donnèrent sa chance comme cuisinière au départ de l’ancienne
cuisinière. Ses premiers admirateurs étaient donc ses patrons et ses convives,
avant de faire ses classes dans divers restaurants, jusqu’à l’ouverture de son
propre restaurant « La bonne heure » à Bordeaux avec toujours comme
ange gardien ses anciens patrons comme investisseurs ! Serez-vous séduit
par son « agneau en habit vert ? » ou, sur ses autres recettes :« Il y avait le petit salé et son
saucisson à cuire accompagnés de quelques très fines feuilles de chou blanc, le
filet mignon pané et grillé sur lequel fondait ensuite du beurre d’anchois, il
y avait les rognons de toutes les bêtes, systématiquement sautés dans le beurre
et recouverts de sauce madère, le lapin aux échalotes et aux champignons, la
langue de bœuf au gratin, les pigeons aux petits pois, il y avait les escalopes
de veau à la crème poivrée, le gros boudin aux oignons ou à la viande servi sur
des lamelles de pommes compotée, les croquettes de poulets frites, les
côtelettes d’agneau à la Villeroy dont Monsieur Clapeau était fou, il les
appelait les petites chéries, il les aimait à l’intérieur, il voulait avoir le
goût léger du sang. » (p. 50). Mais le milieu de la haute
gastronomie a ses codes, et les médias voraces ! Et l’irruption de sa
fille bouleversera le scénario huilé. La chute de la cheffe est aussi rapide
que son ascension. Marie Ndiaye nous offre de belle scène de
préparations de repas qui nous fait saliver. Le premier repas confectionné par
la famille bourgeoise est décrite sur une dizaine de pages ! Toute la
pensée, toute la personnalité, toute la psychologie de la cheffe sont passées
au tamis. L’auteur nous offre un opus somptueux de portait de femme dans ce
roman avec un style littéraire singulier. Ce livre se déguste aussi page après
page.
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