Dès votre entrée dans ce restaurant de poche, vous avez offert à vos yeux le concept qui a fait le succès du lieu. A droite, c’est la chef française Adeline Grattard qui est aux fourneaux. Après avoir œuvré à l’Astrance, elle s’est immergée à Hong Kong pour nous ramener le meilleur de la cuisine de Canton : qualité et fraîcheur des produits, justesse de l’assaisonnement et des cuissons, esthétisme des mets servis. Elle signe une cuisine franco-chinoise. A gauche, au bar, c’est monsieur Chiwah, son mari rencontré à Hong Kong, qui prépare les infusions de thés. En plus des accords mets vins, le couple ying et yang nous propose une expérience de concordance des mets et des thés. D’où le nom du restaurant Yam’Tcha 饮茶 en cantonais qui signifie « Boire du thé ». A Canton, à Hong Kong et à Macao, Yam’Tcha est à la fois un plaisir et un rituel social du matin. Les familles, les amis, les collègues se retrouvent dès le chant du coq à se restaurer autour des bouchées de dim sun 点心(toucher et ravir le cœur) et de thés divers.
Il ne faut pas imaginer qu’infuser les thés est un travail plus léger qu’en cuisine, la tâche est plus compliquée que celle d’un sommelier. Il faut non seulement infuser les thés à la bonne température, planifier leur temps d’infusion pour être raccord avec le plat qui sort en cuisine, gérer les thés à servir des différents tables, les acheminer élégamment jusqu’à chaque table, sans se tromper ! Ici point de carte détaillée. C’est la chef qui propose les mets en fonction du marché. Rassurez vous, le personnel prend soin de vous demander s’il y a des produits que vous ne pouvez manger. Vous avez par contre le choix entre le menu à 50 et 85€, avec encore au choix une concordance des mets –thé, une concordance mets vins et thé, une concordance mets et vins exclusivement ! Pour ma part, j’ai choisi la concordance mets thés. C’est un thé Wulong 烏龍 (dragon noir), un thé semi-fermenté aux notes très florales, qui me sert « d’apéritif ». Devant une peinture de fleurs de lotus, la première gorgée de thé m’apporte d’emblée une sérénité qui me prépare au déjeuner. Dans ma vision, le travail de la chef, de deux cuisiniers et d’un plongeur dans un espace de moins de 8m2. Ici, pas d’aboiement des commandes et des « oui chef » sonores, tout se cuisine dans la sérénité, dans le chuchotement, dans l’élégance des gestes, même ceux du plongeur !
Crème de maïs glacée aux graines de sésame.
La fraîcheur et la douceur du maïs jeune et tendre enrobent la bouche dans une texture onctueuse. Les graines de sésames sont là pour titiller la langue pour apporter un contraste avec le velours de la crème. La saveur de quelques jeunes pousses de feuilles d’origan éclatent en bouche, mettant encore plus en valeur la douceur de la crème.
Asperges braisées, girolles et cécina de Léon
Un plat de saison, très frais également, avec des asperges justes braisées natures, servis avec quelques girolles sautées, escortés de quelques tranches fines de cécina de Léon, une viande de bœuf fumée. Ce plat est servi avec un thé pu er普洱茶du Yunnan aux notés de sous-bois, qui font écho aux girolles. La couleur de ce thé pu er est si foncé qu’elle se rapproche de celle d’une sauce de soja.
Wonton de crevettes du Mozambique, sauce XO, fleurs de bourrache
Les wonton 馄吞sont des raviolis très en vogue à Canton. Ici, la farce est constituée de gros morceaux de crevettes de Mozambique bien fermes. La pâte à base de farine, d’œuf et d’eau est presque transparente. La taille des wonton est le double de la norme. Ils sont servis avec une sauce X0, une sauce récente créée à Hong Kong dans les années 1980, destinée aux fruits de mer. Cette sauce très goûteuse est cuisinée avec une pâte de crevettes ou de fruits de mer, d’oignon, d’ail, de piment et de l’huile. Elle se vend aussi toute prête dans le commerce. Ces wonton sont servis avec un thé wulong de Dong Ding凍頂, aux notes très florales.
Cabillaud vapeur, riz cantonais aux shitake et asperges sauvages
La cuisson du cabillaud vapeur est parfaite, juste nacré. Cette perfection est aidée par la technologie du four Frima vapeur, qui permet de suivre la cuisson à cœur des denrées avec une sonde (70°C à cœur pour le poisson). Le cabillaud est cuit vapeur avec quelques ciboules émincées. Servis sur un riz cantonais réinterprété avec des pousses de soja, des champignons shitake et des asperges sauvages, parfumé à la sauce de soja. Ce cabillaud est servi avec un thé blanc de Yunnan aux notes de roses.
Mandou馒头
Ces mandou sont des petits pains à la vapeur, typique du nord de la Chine, proposés à chaque mets.
Pavlova avec mousse de verveine et fruits
La meringue de ce pavlova est aussi fine qu’une feuille de riz. Elle apporte juste la croustillance nécessaire pour apprécier la mousse de verveine, sublimée par des petits fruits rouges et un sorbet de fraises du Limousin. Excellent. Le dessert est servi avec un thé au jasmin.
La réussite de ce déjeuner réside dans la complémentarité du couple, dans le mariage des mets et des thés. Les mets d’inspirations chinoises sont exécutés en toute subtilité par la chef Adeline. La sauce XO, la sauce de soja, les notes de gingembre sont justes suggérés et utilisés avec parcimonie. Nous ne sommes pas dans les saveurs bien marquées et dans des sauces plus généreuses de la cuisine chinoise. Le service, assurée par deux demoiselles et monsieur Chiwah est discret et efficace. Tous les mets sont servis dans de porcelaines délicates. Les assiettes, les bols rappellent la forme de pêche, symbole de longévité chez les chinois. Leur fond de couleur jaune, couleur réservée pour l’empereur jusqu’à la chute de la dernière dynastie. Ce jaune nous rappelle que nous ne sommes pas des clients banaux ! Le service à thé, dont tasses et théière changent à chaque service est un ravissement !
Yam'tcha, 4, rue Sauval, Paris 1er
samedi 11 juin 2011
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1 commentaire:
Ca a l'air trop bien...
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