La découpe en salle du délicieux
canard laqué de Pékin ne sera plus la seule volaille qui offre un joli spectacle
pour les clients, une sérieuse concurrente, « le poulet mendiant jiaohuaji, 叫花鸡», commence à lui prendre la vedette sur les
tables chinoises. D’après la légende, on doit la paternité de cette recette à
un mendiant de la dynastie des Ming. Ayant volé un poulet et ne disposant
d’aucun matériel de cuisson, il eut l’idée de le faire cuire directement sur le
feu enveloppé dans une gangue d’argile. Cette technique de cuisson qui donne
une chaire de poulet très savoureuse fut adoptée de suite par son voisinage,
avec une recette améliorée.
Aujourd’hui, cette recette de poulet mendiant est encore
plus magnifiée dans sa forme comme dans ses saveurs. Il arrive à table dans une
pièce majestueuse et spectaculaire. La gangue d’argile est sculptée en forme de
poulet sur un piédestal.
Pour le spectacle, il est flambé à l’alcool de rose avant
qu’un convive ait l’honneur suprême de casser la croûte avec un maillet en
bois.
Les effluves emprisonnées lors de la cuisson s’échappent dans l’air et
titillent les narines des convives. On découvre alors le poulet mariné aux
épices enveloppé dans des ses feuilles de lotus. Pour renforcer sa préciosité,
il est farci en plus d’abalone, de champignons rares, de fruits de mer !
C’est l’association délicate de tous ces ingrédients qui renforcent sa
succulence !
Le maître d’hôtel prend soin de bien dégager sur le bord du
plat l’enveloppe de feuille de lotus, de déchirer la chair fondante du poulet
pour permettre aux baguettes des convives d’y picorer joyeusement.
Comme je
l’ai raconté dans mon livre « Canard
laqué, canard au sang : dialogue culturel entre les cuisines chinoises et
française » lorsque j’évoque cette recette, elle avait été consacrée
par l’empereur Qianlong des Qing lors de son voyage incognito dans le sud. Il
était tellement séduit par cette recette qu’il la référença dans la cuisine de
cour, en la baptisant fuguiji 富贵鸡, « poulet
précieux » ! Ce poulet mendiant apparait de plus en plus dans les photos
des banquets à Hong Kong. Dans certaines recettes, la gangue d’argile est
remplacée par une pâte à sel.