Visiter le cellier d’un restaurant de prestige, comme celui du domaine de Châteauvieux, est un voyage dans le temps, une contemplation du savoir faire des vignerons de France et des autres régions du monde, une émotion rare lorsque j’ai pu saisir de mes propres main cette bouteille du château d’Yquem Lur Saluces qui date de 1893 !
Le moment est encore plus exceptionnel lorsque mon guide n’est autre du Pierre Chevrier, esthète, passionné et collectionneur de grands vins. Il est l’auteur du livre « Le vin d’hier, vins historiques et d’exception » aux éditions Slatkine. Ce soir là, il m’avait fait dégusté deux flacons de sa collection, lors du dîner pris dans la salle à manger du cellier, une pièce intime, au calme, avec une vue sur des milliers de bouteilles qui nous contemplent.
Le premier flacon dégusté est un Arbois Chardonnay 1987 de Camille Loye. Ce vin a une robe or profond, avec un nez puissant, marquée par une oxydation bien maîtrisée. En sent en bouche des notes d’abricot, de figue. La sensation est longue et puissante.
Le deuxième flacon est un vin suisse, une Marsanne blanche 1995, grain noble de Marie Thérèse Chappaz. Ce vin a une robe ambrée, avec des reflets roux. Son nez dégage des arômes de fruits confits avec beaucoup de finesse. En bouche, il est rond, soyeux. On sent des éclats de fruits secs, de figue avec une légère touche d’agrume.
Pour accompagner ces deux flacons, un dîner simple, au sens de 2 étoiles, signé Philippe Chevrier avec deux amuses bouches, une salade en entrée, une sole et un dessert.
Cannelloni de saumon à la chair de crabe royale de Norvège, gelée de pomme verte, caviar osciètre.
Une association parfaite en bouche, avec la douceur du saumon relevée par le goût iodé du caviar et de la chair de crabe, juste soulignée une voile d’acidité de la gelée de pomme verte. L’iode est aussi amené par le pain grillé, coiffé d’un beurre d’algue qui accompagne l’amuse bouche.
Huître à l’infusion de citronnelle et vodka
Une saveur iodée en bouche, exacerbée par les notes très subtiles de citronnelle et de vodka.
L’infusion servie tiède, mousseuse et velouté en bouche, met en valeur la gorgée d’Arbois Chardonnay 1987, juste bue après, et qui est fraîche.
Salade mêlée, tomates et asperges
Il ne s’agit que d’une salade de tomates, d’asperges et d’endives. Mais le dressage est royale, poétique.
Sole poêlée, sauce morilles, Ravioli tigré en encre de seiche à l’homard Breton
La sole arrive entière en salle, avec le maître d’hôtel qui lève les filets. Je ne me lasse pas d’admirer la dextérité et l’élégance de ses gestes. J’observe de suite la juste cuisson de la sole, juste nappée d’une crème généreuse aux morilles. L’appellation ravioli tigré m’a ravi. Les pâtes de raviolis sont justes marqué d’un trait d’encre de seiche. Mais quel plaisir visuel ! Le luxe, c’est cela. Une succession de petits détails. De même, la fleur de ciboulette qui décore le plat provient directement du potager des arômes du domaine, visité dans l’après midi.
Pain de Gene au citron, marmelade de mangue, sorbet fruit de la passion, lait de coco
Un dessert aux saveurs exotiques, qui vous emmène en voyage, et qui s’accorde merveilleusement avec le Marsanne blanche 1995 de Marie Thérèse Chappaz.
Cette dégustation de vins et ce dîner représente la quintessence d’un plaisir sensoriel. Tout y était : le cadre du cellier, les mets et les vins fins, la bonne compagnie. Le petit plus : la qualité et la discrétion du service suisse, de ce domaine du Châteauvieux à Satigny, juste à 30 minutes de Genève.
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