C’est un plaisir de vous partager cette excellente
critique de Jacky Durand sur mon livre « Canard laqué, canard au sang,
dialogue culturel entre les cuisines chinoise et française » aux
éditions de l’Epure, paru dans Libération
le 27 mai 2016. Un grand merci à monsieur Durand.
France-Chine, dans l’assiette du voisin. Jacky Durand — 27 mai 2016 à 17:51
Vous savez comme c’est, la bectance : à la première
bouchée dans notre assiette de blanquette, on a déjà envie d’aller voir ce qui
se passe dans l’auge de notre voisin(e) qui en pince pour la raie à la
grenobloise (noix, câpres, beurre noisette, croûtons).La curiosité du mangeur
est aussi insatiable que sa gourmandise. Et ce qui se passe sur une banquette
en moleskine de bistrot vaut aussi à l’échelle de la planète, où n’importe quel
frichti peut faire le tour du Net en moins de temps qu’il n’en faut pour cuire
un œuf à la coque.
La cuisine est devenue un chassé-croisé, un brassage
mondial où le Bourguignon se régale de dim sum tandis que le Cantonnais se
délecte d’œufs en meurette. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits
direz-vous ? Pas si sûr, car en matière de boire et de manger, on savoure la
nouveauté à l’aune de nos propres cultures et mémoires gustatives, la cuisine
des autres, qu’ils soient à 100 ou à 10 000 kilomètres, étant un
miroir de nos goûts.
C’est le magistral et savoureux constat que l’on
retire de la lecture de Canard laqué, canard au sang, dialogue culturel
entre les cuisines chinoise et française de William Chan Tat Chuen. Voilà
un homme né à Madagascar, où son père originaire de Canton était pâtissier,
passé par l’école hôtelière de Thonon-les-Bains et par les fourneaux
chinois avant d’étudier l’anthropologie alimentaire à l’Ecole des hautes études
en sciences sociales (Ehess) auprès de Jean-Louis Flandrin, grand
historien de l’alimentation. Avec un tel pedigree, on se dit que William Chan
Tat Chuen n’a pas trop de ses deux mains pour écrire et cuisiner, mais son
livre révèle surtout l’originalité et l’acuité de son regard sur les
nourritures française et chinoise. A travers 70 recettes d’ici et de
là-bas, choisies en tandem, il fait résonner nos papilles pour nous faire
raisonner sur nos pratiques alimentaires. Voici donc la crêpe de Pékin dont les
ingrédients de base (farine, œuf, huile, sel) sont les mêmes que pour notre
crêpe jambon fromage. Les similitudes vont encore plus loin : même gestuelle et
même matériel (le billig) pour les crêpiers chinois et français et dans les
deux pays, la crêpe était à l’origine un plat de pauvre (dans la province
de Shandong, au nord-est de Pékin et en Bretagne). William Chan Tat Chuen a
choisi l’œuf, «ce produit si ménager, pour personnifier l’univers de ces
deux boissons» emblématiques de la Chine et de la France que sont le
thé et le vin. On se régalera donc de l’œuf marbré au thé et des œufs meurette,
deux recettes qui ne demandent pas d’être cordon-bleu ou de parler le
mandarin. Car c’est un autre mérite de William Chan Tat Chuen que de proposer
des plats accessibles à travers ses «dialogues culturels culinaires» franco-chinois.
Canard laqué, canard au sang, dialogue culturel entre les cuisines
chinoise et française de William Chan Tat Chuen Editions
de l’Epure, 188 pp., 20 €.
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