L’exposition « Madagascar, arts de la grande Île » au musée quai Branly à Paris est la première
exposition en France à questionner l’histoire de l’art de cette grande île au cœur
de l’océan indien. Plus de 350 pièces ont été réunies pour leur intérêt historique, esthétique et
ethnologique. Le début de l’exposition présente Madagascar dans l’espace et le
temps.
Situé dans l’océan indien, au large des côtes africaines, bien avant que
les européens ne découvrent son existence, c’était déjà un carrefour de
rencontre et influences esthétiques venus de l’Orient, de l’Austronésien et de
l’est du continent africain.
Les
recherches récentes laissent supposer une occupation humaine dans le nord de l’île
il y a plus de 4000 ans, et au sud-est, 3000 ans. Entre le 5ème et 8ème
siècle, arrivent des populations austronésiennes, d’Afrique apportent dans
leurs bagages riz, igname, cocotiers, bœufs, chèvres et moutons.
Par l’océan indien, des céramiques chinoises
et islamiques, des objets en verre de Perse apportés par les marchands
arabo-musulman révèlent l’insertion progressive de Madagascar dans les réseaux
et d’échanges internationaux.
Les fouilles de la nécropole de Vohémar du 16ème
siècle sur la côte est mettent à jour des assiettes de porcelaines et de miroir
en bronze chinois, des cruches indiennes en cuivre, des objets en verre de
Syrie et d’Egypte, des bijoux d’or et d’argent, de nombreuses cuillères de
nacre dans les sépultures qui mélangent des pratiques funéraires swahilies et
musulmanes. Aujourd’hui, ce sont encore le riz et le zébu qui sont toujours les
marqueurs de la cuisine malgache. La domestication du zébu, venu du continent
africain vers le 10ème siècle a modifié l’environnement, avec l’aménagement
des zones de pâturage.
Le zébu traverse l’histoire de Madagascar : la
possession d’un cheptel important est un élément de richesse et de pouvoir, qui
a bâti de générations de chefs locaux. Nous verrons par la suite que l’animal
est au cœur des cérémonies et des cultes, des objets du quotidien qui lui
confère un statut sacré.
Ces objets
de la vie quotidienne sont réalisés avec une grande économie de moyens, des
«formes utiles» soumis au vintana, le zodiaque malgache, qui
définit la frontière entre le monde du vivant et le monde des esprits et des
ancêtres...
Les matériaux sont issus de ressources naturelles comme la terre
(argile), le bois, l’osier, les feuilles de palme, la paille, le bambou. Les
plats, les mortiers, les cruches, les pots à miel étaient en bois sculpté ou en
argile. Les pots en bambou servaient de mesure à riz.
Même dans les délicates
vanneries, le motif du zébu est omniprésent dans tous les objets.
Pour les
repas, les malgaches se servent d’une cuillère. Cette cuillère est un objet personnel
conservé dans un étui de vannerie très élégant. Les sculptures qui ornent les
manches des cuillères évoquent des thèmes en rapport avec la fertilité à
travers des figures féminines et avec les ancêtres. Les motifs géométriques et
les formes évasées font apparaître une fois de plus des têtes de zébus ou d’autres
motifs. Au moment de la mort, la cuillère rejoint son propriétaire dans l’au-delà.
Dieu
unique, Zanahary, à l’origine de toute chose de l’univers n’est jamais
représenté. Ce sont les ancêtres qui sont les médiateurs entre les vivants et
le Créateur. Les sacrifices d’animaux, en particulier des zébus sont
indispensables lors des cérémonies qui ponctuent la vie d’un individu ou celle
de la communauté.
Certains morceaux de la carcasse, réservés dans des plats
rituels sont jetés dans un brasier. La fumée attire ainsi les ancêtres et c’est
alors que les prières et les sollicitations leur sont adressées par le chef de
famille.
En plus de la protection des ancêtres, la croyance en des forces
puissantes est omniprésente : les malgaches ont l'habitude de consulter un ombiasy,
devin et guérisseur, qui compose des remèdes mohara placés dans des
amulettes ody. Le remède n'a pas vocation à être bu, mais doit être
conservé dans le coin nord-est de la maison, considéré comme sacré.
Autre objet
qui relie le monde des morts et des vivants, les textiles appelés lamba, des grands pagnes rectangulaires.
Tissés à la main, portés comme des châles qui enveloppent la taille, les
épaules ou la poitrine, par les hommes comme par les femmes, les plus beaux lamba servent à ensevelir le corps des
défunts.
Autre
moment fort, le dernier voyage de la vie. Les tombeaux sont de véritables
constructions qui jouent un rôle fondamental dans l’hommage rendu aux ancêtres
mais qui exposent aussi un signe ostentatoire de prestige et de richesse de la
famille du défunt ! Les défunts reçoivent tous les honneurs avec des tombeaux
impressionnants, les poteaux funéraires, aloalos.
Ce sont des pièces de poteaux sculptées surmontant les tombeaux dans le sud de
Madagascar. Les figures sculptées racontent la vie du défunt. Des cornes de
zébus sont disposées aussi sur les tombes, suite à leurs sacrifices lors de
funérailles. La fête
du famadihana, ou retournement des morts permet aux vivants de garder un lien
avec les ancêtres. A cette occasion, un zébu est sacrifié et partagé par toute
l’assistance !